On a écouté le spécial BIONICLE de « Bits N’Bricks », le podcast de LEGO

Le podcast officiel de LEGO Games dévoile un épisode dédié aux jeux vidéo BIONICLE, avec les créateurs de la franchise. Puisque c’est en anglais et que nous sommes un média francophone, nous vous proposons un long (mais bon) résumé de l’épisode.

Plus d’une heure d’anecdotes inédites

Annoncé la veille par le profil officiel du Groupe LEGO sur Twitter (avec, au passage, l’utilisation du poster de notre mascotte Turaga Dume traversant le désert, réalisé par Christian Faber pour les 10 ans de Bionifigs et qui orne notre site), Bits N’Bricks a publié ce 23 juin 2021 un nouvel épisode, consacré pour son 25e numéro à l’univers des Toa.

Il s’agit d’une émission inattendue, mais qui pourrait être interprétée par certains comme un début de storytelling assumé de la part du Groupe LEGO autour de sa franchise à l’arrêt. Bits N’Bricks, littéralement « des bribes et de briques », est un un podcast affilié directement à la marque et diffusé sur la chaîne YouTube officielle de sa branche LEGO Games. Le podcast, de près d’1h15, est monté à la manière d’un reportage ou documentaire, mêlant divers enregistrements des intervenants se répondant sur un même sujet.

Version vidéo de l’émission audio Bits N’Bricks n°25, mise en ligne sur Youtube.

Christian Faber, le concepteur original

L’émission animée en anglais par Brian Crecente et Ethan Vincent, a été réalisée avec la participation de personnalités de premier plan autour de la saga, tels que Christian Faber qu’on ne présente plus puisque le père conceptuel de BIONICLE en personne, et qui travaillait alors pour l’agence de création partenaire du Groupe LEGO : Advance Copenhagen.

Parmi les choses intéressantes, Faber évoque dans l’émission le fait que le symbole des Trois Vertus a notamment été inspiré du Yin et du Yang, lui évoquant le concept de la destruction créatrice que l’on retrouve à la fois dans le monde biologique et dans les possibilités offertes par les briques LEGO. Le visuel final en spirale symbolisant ce cycle. Prolongeant l’analogie, il explique par la suite que ce sont les prototypes des boites en forme de conteneurs, proposées au moment d’imaginer les figurines pour succéder aux gammes Slizers et RoboRiders, qui lui ont rappelé les gélules du traitement qui avait soigné sa tumeur en 1986 (lesquelles lui donneront l’idée de héros envoyés dans des capsules pour soigner un corps gigantesque endormi).

La chronique d’une destruction créatrice

Par ailleurs, Faber explique que le choix du nom de la franchise lui-même (intervenu bien plus tard) est relié à cette notion de destruction créatrice présente dans le vivant. Lorsque qu’il a présenté l’idée du nom à l’équipe originale de cette Biological Chronicle, « BIONICLE », tout le monde aurait alors adoré et il raconte qu’il vérifia aussitôt la disponibilité du domaine Bionicle.com sur Internet, et l’acheta lui-même avec sa propre carte de crédit pour le protéger.

Enfin, on apprend que Faber et l’agence Advance ont fait quelque chose qu’ils n’avaient jamais fait auparavant : une vidéo présentant BIONICLE en interne, avec une musique immersive et la voix d’un narrateur, pour enthousiasmer les différents acteurs liés à la création de la franchise ou amener à la promouvoir, qui a permis à chaque personne impliquée dans le processus de ressentir et comprendre à quel point le Groupe LEGO lançait quelque chose de jamais vu auparavant.

Plus tard, Faber évoquera les multiples voyages qu’il a fait pour rencontrer les équipes de Templar Studios derrière Mata Nui Le Jeu en ligne ou de DC Comics, pour veiller à la cohésion des différentes visions artistiques avec le matériel conceptuel de départ (des héros maîtrisant les éléments et arrivant sur une île exotique pour lui venir en aide). Un rôle de coordination plus rarement évoqué le concernant.

Alastair Swinnerton et la bible de la G1

Ce numéro de Bits N’Bricks est aussi l’occasion d’entendre le plus rare Alastair Swinnerton, écrivain à qui l’on doit la bible initiale de l’univers BIONICLE, bien que parti vers d’autres projets à partir de 2003.

Une fois l’idée de départ passée de l’agence de création Advance au Groupe LEGO, un Pitch deck (une brève présentation d’un concept à présenter à d’éventuelles partenaires et investisseurs, dans le monde des entreprises) fut en effet envoyé par Bob Thompson à plusieurs écrivains et sociétés spécialisées dans la narration. Ce document contenait essentiellement une courte description du projet, de nombreux dessins et le concept de base, invitant ses destinataires à le compléter avec la meilleure proposition d’histoire possible.

Alastair Swinnerton, dirigeant alors la société Skryptonite, raconte dans l’épisode avoir reçu le tout et être allé au pub avec son équipe pour en discuter. Amateur de la mythologie polynésienne, les dessins du dossier lui évoquèrent l’île de Pâque, qui était l’un de ses sujets de prédilections. C’est à lui que l’on doit, de fait, l’inspiration et l’emprunt de noms maoris pour les personnages originaux de BIONICLE (les noms initialement prévus pour les personnages qui deviendront finalement les Toa étant « Griffe » pour Onua, ou « Crochet » pour Gali, par exemple).

Le choix de l’influence polynésienne

Six mois plus tard, une réunion était organisée à Billund en février 2000, avec Christian Faber et Eric Kramer le futur directeur marketing de BIONICLE, pour présenter ses travaux. Découvrant que ce dernier n’avait pas encore lu ses propositions, Swinnerton raconte ensuite que c’est lorsqu’il il a évoqué l’aspect polynésien de son approche que les yeux d’Eric Kramer se sont illuminés (LEGO cherchant déjà à l’époque à accéder au marché de l’Asie du sud-est, et pensant tenir là quelque chose qui pourrait le permettre).

Obtenant le contrat, Swinnerton relate avoir dès lors écrit une bible de l’univers envisagé, comme il l’aurait fait pour une série TV ou une franchise cinématographique, tel que demandé par le Groupe LEGO même si cela n’était pas prévu à l’époque. L’écrivain explique ainsi avoir eu l’idée que l’île soit en fait la face visible d’un robot d’évacuation écrasé sur la planète, dont il avait dessiné un croquis dans la bible originale avec la tête et les genoux dépassant de l’eau, avant de développer le profil des quatre héros prévus (quatre seulement étant envisagés au départ, avant le rajout de Kopaka et Pohatu à la demande de LEGO).

BIONICLE et l’exemple de Terminator 2

Enfin, Alastair Swinnerton y développe la gestion de la politique aseptisée du fabriquant de jouet quant à la mise en scène des conflits. À la fois, l’histoire se basait sur la lutte entre le bien et le mal pour créer de l’enjeu, mais le Groupe LEGO était attaché à ne pas promouvoir la violence. Swinnerton raconte avoir alors suggéré à Bob Thompson un parallèle avec le film Terminator 2, où Arnold Schwarzenegger ne tue pas ses ennemis mais peut les neutraliser ; défendant l’idée que tout en ne pouvant directement faire de mal à personne, les personnages pouvaient par exemple faire s’écrouler un rocher au-dessus d’un protagoniste.

Thème initial du podcast, les intervenants et présentateurs sont beaucoup revenus sur les jeux vidéos de la franchise, dont l’épisode nous apprend à quel point le Groupe LEGO avait vraiment l’ambition de faire quelque chose d’aussi gros que Pokémon.

L’histoire des jeux vidéos signés Saffire

BIONICLE : La Quête des Toa, sorti sur GameBoy Advance à l’automne 2001 et qui devait être suivi de BIONICLE : La Légende de Mata Nui peu après sur PC et potentiellement Gamecube, furent développés par Saffire (connu à l’époque pour les jeux James Bond 007 et StarCraft Brood War et recommandé par Nintendo au Groupe LEGO). Les deux jeux devaient s’articuler ensemble, avec le premier servant de préquel au second, en parallèle des Comics et du site Bionicle.com régulièrement mis à jour. Les intervenants, à l’instar de Darvell Hunt alors en charge du jeu chez Saffire, détaillent ici à quel point les deux jeux, présentés à l’E3 de 2001, étaient très attendus à la suite du succès rencontré par les jouets, mettant la pression sur l’éditeur.

Autre intervenant, Jeff James, producteur des jeux pour le Groupe LEGO, relate avoir travaillé en collaboration avec plusieurs personnes, dont Greg Farshtey (avec lequel coécrira le futur livre sur les Bêtes Rahi), pour s’assurer de la cohérence du second jeu quant à la rencontre des Toa. Les concept-arts d’origine étant très futuristes et évoquant un univers de science-fiction, tous deux aboutirent à l’idée que les dialogues devraient y refléter leurs personnalités, tel que Greg Farshtey l’avait fait dans les comics. Dès lors, ils se sont également rejoints sur l’idée que BIONICLE devait être perçu comme un récit fait pour un public plus âgé, et ont ainsi abordé le projet La Légende de Mata Nui comme un jeu 3D d’aventure à la façon de Legend of Zelda.

Avec le directeur de TT Games !

Malheureusement annulé, ce second jeu a été une désillusion pour les équipes de Saffire. L’émission a été l’occasion de contredire certaines rumeurs qui ont circulé sur la coïncidence avec une réorganisation interne du Groupe LEGO à l’époque, ou sur l’impact du 11 septembre 2001 (à partir duquel LEGO ne se serrait pas vu assumer de promouvoir un jeu en mettant en avant la non-violence). Selon Jeff James, la décision aurait davantage été motivée par les problèmes potentiels de compatibilité du jeu, beaucoup de PC n’ayant en ce temps là pas de carte graphique 3D décente. Les difficultés financières que connaissaient Saffire, évoquées avec émotion par Darvell Hunt, ayant aussi pu peser.

Toujours au micro de Bits N’ Bricks, l’ex Directeur adjoint de LEGO Interactive, Tom Stone (plus tard devenu Directeur général de TT Games), fournit quant à lui une autre explication. D’après ses souvenirs, le jeu initialement imaginé était pensé pour être un FPS où les personnages tirent sur d’autres (comme le proposera bien plus tard BIONICLE Heroes en 2006). Selon Stone, la décision du Groupe LEGO d’en faire un jeu en vue à la troisième personne (TPS), gâchait finalement l’expérience pour les jeunes ciblés à l’époque, auprès desquels un Doom-like, selon lui, se serait vendu par millions.

Le litige avec les représentants maoris

Ce podcast n°25 est également revenu de manière étonnamment franche sur le cas, assez litigieux pour LEGO, de l’appropriation de la culture maori. Il donne la parole à Maui Solomon, représentant les intérêts de la communauté maori s’étant mobilisée à l’époque.

Celle-ci menaçant le Groupe LEGO d’un procès, Solomon raconte avoir écrit au fabriquant pour expliquer qu’il n’était pas bien que des noms liés à leur culture soient utilisés pour des jouets, particulièrement des termes sacrés, tel que Tohunga (qui est dans leur culture un guérisseur spirituel ; plus tard remplacé par Matoran). Se disant prêt à concéder le droit d’utiliser des éléments de leur langue pour des mots moins sacrés, il n’y a en réalité jamais eu de procès intenté par les Maoris que la marque a fini par rencontrer. LEGO a même, suite à cette affaire, mis en place des protocoles stricts pour veiller à ce qu’aucun nom futur, utilisé pour ses produits, ne soit issu d’aucune culture de manière litigieuse.

Quoi qu’il en soit, cela n’a pas enrayé le phénomène de grande popularité qu’a connu BIONICLE, qui fut à plusieurs reprises le thème n°1 des ventes du catalogue LEGO en 2003 et 2006 ! Alastair Swinnerton termine à ce titre en racontant avoir réalisé le succès de la franchise et qu’ils avaient fait quelque chose de grand, lorsque Bob Thompson l’a appelé à Noël depuis New York, et lui a dit qu’il y avait un affichage massif pour BIONICLE sur Time Square.

Le travail de continuation des fans

Dernière preuve évoquée dans l’émission témoignant à quelle point BIONICLE a été une réussite, qui a marqué une génération entière, le podcast évoque le travail incroyable des fans, qui ont justement entrepris de créer leurs propres jeux vidéos, ou encore de retrouver, achever et carrément sortir le jeu PC annulé de 2001.

Vahkiti, responsable du projet BIONICLE The Legend of Mata Nui REBUILT en particulier pour LitestoneStudios, a également pu participer à l’émission, expliquant comment celui-ci était devenu une sorte de « Saint Graal » des médias perdus pour les fans, tel que le formulait parfaitement notre article publié sur le sujet il y a deux ans.

Loin de s’arrêter là, les collectifs de fans les plus actifs organisent d’ailleurs, le 10 août 2021, deux panels exceptionnels avec les créateurs et contributeurs de BIONICLE, dont une partie des intervenants interrogés par Bits N’Bricks ! Partenaire de l’événement pour sa diffusion en français, Bionifigs.fr vous invite chaudement à ne pas rater ça.

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À propos de l'auteur : Fondateur du futur Bionifigs en 2006, ayant initié de multiples projets tels que l'encyclopédie en français BIONICLE Nuvapedia, les conventions nationales de fans en France ou encore plusieurs concours avec la marque. Rare version d'Exo-Toa avec des genoux.
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