La franchise BIONICLE®, 10 ans de narration transmédia à succès

Image de couverture de l'article

BIONICLE était à l’origine une gamme de jouets innovants créée par le groupe LEGO dans les années 2000, qui a connu un succès retentissant, à l’instar de Transformers chez Hasbro dans les années 1980. De nombreux paramètres ont fait le succès de cette franchise mondiale, qui a marqué à son tour les esprits de l’industrie du Jouet comme des fans. Retour sur cette histoire sans pareille.


Au commencement…

Le projet est né avec le concours de l’agence de création Advance basée à Copenhague, au travers de Christian Faber à qui l’on doit une grande partie des concepts originaux de l’univers des Toa. Sous la houlette d’Erik Kramer, directeur technique chez LEGO, la firme fit également appel au spécialiste en dramaturgie et en divertissement pour la jeunesse de la BBC : Bob Thompson (Warhammer 40 000, Cannon Busters…), comme consultant créatif.

Peaufinée avec l’aide de Martin Riber Andersen, chef du design au sein du groupe, et Alastair Swinnerton de la société Skryponite qui écrivit enfin la bible de l’univers de BIONICLE, la future franchise fut lancée en 2001. Au départ estampillé LEGO Technic, le succès très vite au rendez-vous va en faire un segment à part entière du catalogue de la marque.

On découvre alors l’île de Mata Nui, un Grand esprit bienveillant plongé depuis 1000 ans dans un profond sommeil. C’est une île paradisiaque où vivent les habitants de six tribus élémentaires, dévorée par un mal mystérieux que les villageois appellent Makuta. Celui-ci est présenté comme le frère du Grand esprit, qui a endormi ce dernier et qui persécute depuis ses habitants.


L’île de Mata Nui (2001-2003)

Un monde persécuté où apparaissent les légendaires Toa

Image extraite de la première bane dessinée BIONICLE

Guidés par les chefs de villages appelés les Turaga, ces habitants que l’on nomma plus tard les Matoran, voient apparaître six héros amnésiques maîtrisant chacun un des éléments : Tahu, Toa du feu ; Gali, Toa de l’eau ; Lewa, Toa de l’air ; Pohatu, Toa de la pierre ; Kopaka, Toa de la glace ; Onua, Toa de la terre. Tous les six furent commercialisés sous forme de figurines dans des canettes représentant les capsules Toa dans lesquelles ils arrivèrent aux abords de l’île. Tous les personnages possédaient des masques conférant des pouvoirs, déclinés dans différentes versions à collectionner.

Découvrant qui ils sont et leur destinée au fil des médias publiés, en même temps que leurs lecteurs, les Toa affrontent la faune corrompue de l’île, et s’unissent pour affronter le Makuta sous la surface. L’univers à découvrir est largement exposé à travers les contenus du site Bionicle.com, ainsi que les bandes dessinées éditées par DC Comics, sous le coup de crayon du dessinateur Carlos D’Anda (Justice League, Batman, Star Wars…) et scénarisé par Greg Farshtey.

Des essaims de Bohrok et une première évolution des héros

Image promotionnelle mettant en scène un essaim de Tahnok, le Bohrok rouge sorti en 2002

BIONICLE a débarqué depuis un an de manière fracassante, recevant de nombreux prix et faisant les titres, voire même parfois la couverture, de la presse spécialisée. Le succès de la franchise fut au rendez-vous dès le lancement, avec des figurines dans les menus enfant d’une grande chaîne de restauration rapide, un jeu de carte à jouer, un jeu vidéo sur GameBoy Advance, un jeu de plateau et divers produits dérivés. Sans oublier Mata Nui le Jeu en ligne développé par Templar Studios sur Bionicle.com.

L’année 2002 appliqua les mêmes méthodes, avec une densification de l’histoire par l’apparition des essaims de Bohrok ravageant l’île et portant des krana, une nouvelle sorte de masques à collectionner. Les six héros prirent aussi une apparence nouvelle, en ressortant sous leur forme évoluée de Toa Nuva (avec, de fait, de nouveaux masques de pouvoir vendus en sachets additionnels à collectionner).

Le septième Toa et l’arrivée des films dans la narration

Poster promotionnel pour le premier film BIONICLE : Le masque de lumière

En 2003, BIONICLE surfe sur le succès de ses Bohrok pour les ressortir dans une version évoluée, correspondant à six Bohrok d’élite aux grands pouvoir, souhaitant réveiller les essaims vaincus par les Toa Nuva. Les Bohrok-Kal, stoppés à l’aide du Masque du temps. Mais surtout, la licence franchit un cap en lançant une trilogie de films d’animation produite par Miramax et Harvey Weinstein, confiée au studio d’animation américain Creative Capers.

BIONICLE Le Masque de lumière expose ainsi de nouveaux enjeux, avec l’apparition des progénitures du Makuta, les Rahkshi contrôlés par les larves kraata, et de Makuta lui-même dont l’apparence est dévoilée pour la première fois dans le film et en figurine. C’est aussi l’occasion de lancer un jeu sur PC, GameCube, PlayStation 2 et Xbox, édité par Electronic Arts, ainsi que les premiers romans jeunesse, rapidement repris par l’auteur Greg Farshtey, ainsi qu’un nouveau jeu de plateau. La franchise est un succès commercial, se déclinant à travers divers partenariats sur des boîtes de céréales, brosses à dents, housses de couette, trousses, stylos, cartables d’écolier et autres vêtements pour enfants en passant par des chaussures Nike à l’effigie des héros.


La Cité des légendes (2004-2005)

Un préquel à la découverte de la ville de Metru Nui

Poster promotionnel mettant en scène les Toa Metru

Distinguant à la fin du premier film BIONICLE un ancien monde souterrain annonciateur de nouvelles légendes, après la victoire du septième Toa sur le Makuta, les fans découvrent en 2004 la glorieuse cité de Metru Nui. Les Turaga, chefs des six villages de l’île de Mata Nui, révèlent aux Matoran et Toa Nuva qu’ils ne sont pas les premiers Toa. Commence alors le récit de leurs origines, 1000 ans auparavant, où les Turaga étaient les Toa Metru.

La machine à clones, comme diront les fans, tourne toujours à plein régime et les figurines qui sortent sont majoritairement quasi identiques, dans six déclinaisons différentes, pour les Toa Metru comme pour les nouveaux Matoran de Metru Nui ou les unités robotisées Vahki. Seuls les couleurs, masques et outils diffèrent, mais une théâtralisation importante de l’univers et des personnalités de chaque protagoniste permet de susciter l’intérêt pour l’ensemble. Chez DC, le crayon a été passé à Randy Elliott (Justice League Europe, Stormwatch, Law of Dredd…), depuis la saga des Bohrok-Kal.

Le venin Hordika et la toile des Visorak

Image promotionnelle mettant en scène les Visorak, ennemis des Toa Hordika en 2005

Seconde année d’un préquel en deux temps racontant comment le Grand esprit a été trahi et endormi, la narration comme les jouets prennent un ton plus bestial. Les Toa Metru ont affronté puis emprisonné une première fois le Makuta et sauvé les Matoran de la destruction de Metru Nui. L’année 2005 raconte comment il s’en est sorti et le retour des Toa Metru pour chercher les Matoran et les conduire sur l’île de Mata Nui qu’ils ont découvert. On retrouve la cité de Metru Nui anéantie et assiégée par une horde de Rahi à l’allure d’araignées : les Visorak, une véritable armée agissant pour le compte de la Confrérie des Makuta.

Au travers de médias variés qui font découvrir aux fans que le Makuta n’est pas le seul de son espèce bien qu’il en soit le chef, l’univers gagne encore en profondeur. Empoisonnés par le venin des Visorak, les Toa Metru sont transformés en Hordika, prenant à nouveau vie dans un troisième film épique plus sombre que les deux premiers. Illustrant la densité que prend alors l’univers BIONICLE, une nouvelle gamme de coffrets de jeux en briques LEGO System classiques cette fois, s’ajoute aux figurines articulées à rotules.


La quête du Masque de vie (2006-2008)

Retour au présent contre les Piraka avec de nouveaux Toa

Image promotionnelle de BIONICLE Heroes, le jeu vidéo sorti en 2006

L’année 2006 est l’année du retour à la continuité pour les protagonistes originaux de BIONICLE, là où la franchise les avait laissé fin 2003. Après le récit du passé de Metru Nui et du Grand cataclysme causé par Makuta qui endormit Mata Nui, dans un préquel qui dura deux ans pour les fans, les Matoran regagnent leur cité d’origine. Les Toa Nuva et les Turaga apprennent que le Grand esprit n’est pas seulement endormi, mais en train de mourir. Les Toa Nuva sont envoyés en quête de l’antique Masque de vie, sur un monde maudit : l’île de Voya Nui. Mais des Chasseurs de l’ombre, organisation de parias déjà rencontrée par les Toa Metru mille ans plus tôt, s’y trouvent déjà depuis peu en quête du même artefact, et ont réduit les habitants en esclavage. Vaincus pour cette fois par ces Piraka, les Toa Nuva laissent le devant de la scène aux Toa Inika, une nouvelle équipe apparue sur l’île pour récupérer le Masque.

Les films d’animations se sont arrêtés, mais la franchise bénéficie d’un nouveau jeu sur consoles de salon et consoles portables : BIONICLE Heroes signé Eidos. Changement de dessinateur à nouveau du côté des bandes dessinées, puisque c’est Stuart Sayger (Trick R Treat, Krampus, Machete, The X-files…) qui reprend le flambeau pour BIONICLE chez DC. Sur Bionicle.com, débarque aussi Voya Nui Le Jeu en ligne, développé cette fois par Ankama sur le modèle de Dofus. Enfin, côté jouets, pour la première fois la machine à clones est rompue, et les figurines d’une même série tâchent d’avoir toutes une construction et une allure différentes.

Le monde sous-marin de Mahri Nui et les Barraki

Le Masque de vie a disparu dans l’océan autour de Voya Nui, menant les nouveaux Toa Inika à la découverte de Mahri Nui, une cité sous-marine perdue où vivent les habitants d’une portion engloutie il y a des siècles de l’île. Transformés en Toa Mahri, permettant à LEGO de vendre une nouvelle itération des personnages en figurines, les héros découvrent la Fosse. L’endroit était la geôle des pires renégats de l’univers, enfermés là par une organisation secrète baptisée l’Ordre de Mata Nui, parfois depuis des dizaines de milliers d’années. C’est le cas des seigneurs de guerre Barraki, souverains de la Ligue des Six royaumes qui régnèrent jadis sur une bonne partie de l’Univers matoran, et convoitent dès lors le Masque de vie.

Sans jeu vidéo et sans film, la franchise continue toutefois à s’étoffer, développant un lore de plus en plus vaste et approfondi. Surtout, l’univers étendu grandit avec la naissance de BIONICLEstory.com, où l’auteur des romans Greg Farshtey publie des feuilletons-nouvelles en parallèle de l’histoire principale éditée en livres. Après la participation groupes de musiques à succès dans la promotion du phénomène, tels que The All-Armerican Rejects ou Daughtry, c’est le groupe danois naissant Cryoshell qui imprimera sa marque dans l’univers des Toa. Cette fois encore, les jouets BIONICLE sont déclinées sous forme de figurines d’actions ainsi que de coffrets de jeux LEGO en petites briques, pour la troisième et dernière année.

Le retour des Toa Nuva contre la Confrérie des Makuta

Poster promotionnel des Toa Nuva Phantoka combattant les Makuta à Karda Nui

En 2008, les fans retrouvent les Toa Nuva, qui avaient quitté le premier rôle et les produits officiels depuis 2003 pour ce qui n’étaient finalement qu’une parenthèse, dans une nouvelle apparence et donc de nouvelles figurines. Le Masque de vie a été récupéré par les Toa Mahri, au prix du sacrifice de l’un d’entre eux. Les Toa Nuva destinés à réveiller le Grand esprit prennent le relais. Ils se rendent à Karda Nui, le cœur de l’Univers matoran qui dévoile toujours plus de mondes mais dont on ne connaît pas encore les limites. Leur tâche ne sera pas facile, car l’endroit est assiégé par les Makuta eux-mêmes.

L’année signe aussi le retour d’un jeu de cartes BIONICLE. Les romans et livres écrits par l’auteur Greg Farshtey, toujours au scénario des BD croquées cette année-là par Leigh Gallagher (The Witching, Justice League Unlimited…), sont plus d’une vingtaine à avoir été publiés. Ils sont désormais le principal vecteur de l’histoire de BIONICLE, avec le renfort des vidéos promotionnelles signées par Advance et le petit studio Ghost. Néanmoins, nous sommes à l’apogée de la franchise et de l’arc global entamé en 2001 autour du réveil du Grand esprit, et les récits sérialisés en ligne de Farshtey, loin d’être de simples bonus à l’histoire principale, se conjuguent désormais avec elle. Plongeant par moment les fans dans des époques différentes ou carrément des dimensions parallèles (introduisant ainsi une notion de multivers dans la saga), ces récits font prendre de la hauteur de vue sur les conflits qui parcourent l’univers, mettant en scène de véritables guerres entre factions millénaires, parallèlement à la quête des Toa.


Bara Magna (2009-2010)

Une nouvelle planète, des Glatorian et des Skrall

Le cru 2009 est l’enfant d’un des plus beaux coup de théâtre de l’histoire du divertissement et de la littérature pour ados et jeunes adultes. Alors que 2008 semblait s’achever par la victoire des Toa et la destruction de la Confrérie avec leurs alliés, un double rebondissement vint bouleverser les fans. Mata Nui s’éveilla enfin dévoilant sa nature. Sa tête jaillit de sous l’île nommée en son nom découverte par les fans en 2001. Le Grand esprit était en fait un géant robotique de la taille d’un astre, abritant son propre univers et ses propres mondes. Au moment où le colosse cosmique s’éveillait enfin pour la première fois depuis mille ans, debout sur la planète aquatique où il était englouti, ses yeux devinrent rouge… Le chef des Makuta, dont le vrai nom avait désormais été révélé comme étant Teridax, avait prit sa place à la tête de l’Univers matoran.

BIONICLE se relança ainsi, malgré une fin heureuse que l’on pensait toute tracée pour l’arc narratif global, en optant pour une fin des plus amères. L’esprit de Mata Nui fut enfermé par le Makuta dans le Masque de vie, qu’il exila dans l’espace. Atterrissant sur la planète Bara Magna, Mata Nui va désormais devoir survivre sur une planète aride, à la rencontre d’une nouvelle civilisation, qui pourrait s’avérer liée à lui. C’est ce que conte pour l’occasion le nouveau film d’animation, censé être le premier d’une seconde trilogie confiée à un nouveau studio, BIONICLE : La Légende Renaît, où les Glatorian s’opposent à la tyrannie de l’empire des Skrall.

La fin du voyage, une conclusion accélérée mais avec brio

Couverture d'une bande dessinée BIONICLE

Malgré un rebondissement de virtuose et l’ouverture vers un nouveau monde qui devait occuper les fans durant trois nouvelles années, le succès pour le groupe LEGO fut mitigé. La seconde trilogie fut avortée après le premier film. Mais les scénaristes souhaitèrent malgré tout apporter une fin à la hauteur de cette saga épique. Profitant de la croisée des mondes prévue, entre les habitants du Robot du Grand esprit désormais contrôlé par le Makuta Teridax qui détecta que Mata Nui avait survécu, et la civilisation de Bara Magna, LEGO sortit six ultimes figurines.

Celles-ci reprenaient les traits des personnages les mieux vendus de toutes les années précédentes, incarnant différentes factions engagées dans la bataille finale. Pour assurer la vente de l’ensemble, un morceau d’une armure légendaire qui permettra de vaincre les armées du Makuta débarquant sur la nouvelle planète, se trouvait dans chacune des boites. Cette conclusion prit vie sous le crayon de l’artiste Pop Mhan (Ghost Rider, Batgirl, The Flash, Tomb RaiderWorld of Warcraft…) dans la dernière série de BD éditées par DC. Mais aussi sur Bionicle.com avec une série audio illustrée de Brian Ellis, ainsi que sous la plume de Greg Farshtey dans un ultime roman, le tout expliquant les liens secrets entre les deux mondes…

Au total, BIONICLE aura permis de vendre plus de 190 millions de jouets à travers le globe. La licence BIONICLE aura aussi produit avec DC une cinquantaine de comics totalisant près de 900 pages, en faisant la bande dessinée la plus tirée au monde à son apogée, avec plus de 2 millions d’abonnés au LEGO Club Magazine. Avec une trentaine de romans courts, BIONICLE aura enfin produit une œuvre littéraire complète et cohérente de près de 800 000 mots, comparable par exemple à l’ensemble de l’œuvre d’Harry Potter.


L’échec de la seconde génération…

Affiche de la série Netflix BIONICLE : The Journey to One

Après cinq années d’arrêt de la franchise que l’on croyait enterrée, mais que les communautés de fans continuaient à faire vivre dans de nombreux pays, fin 2014 LEGO dévoile en grande pompe le retour de BIONICLE pour 2015 à la Comic Con de New York. Clôturant une traversée du désert qu’ils avaient sans doute contribué à rompre par leur activité, les fans virent l’annonce d’un reboot présenté à la Comic Con de New York en 2014, rapidement surnommé seconde génération (ou G2).

Cependant, bien qu’usant des noms des six premiers Toa de 2001 pour alimenter le bruit autour de ce retour, les fans de la première heure n’en étaient paradoxalement pas la cible. L’univers et les bases de l’histoire furent réinventés dans une version simplifiée, balayant le riche univers étendu produit avec la G1 pendant une décennie. Malgré une série animée sur Netflix et des figurines de qualité, le système de figurines d’action à rotules étant utilisés à présent pour d’autres licences (Ultrabuild Super Heroes, LEGO Star Wars…), le succès fut insuffisant. Le groupe LEGO décida d’arrêter le reboot à peine né dès 2016, et la G2 prit fin.

Aujourd’hui plus que jamais, les initiatives de fans mais aussi de personnalités ayant contribué à la saga, de Faber jusqu’au compositeur de la trilogie originale de BIONICLE Nathan Furst, font vivre ce lore au potentiel infini, qui n’a peut-être pas fini de faire parler de lui.

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