À l’occasion du #810NICLEday, la journée mondiale de BIONICLE où les sites de fans organisent des festivités et dévoilent diverses exclusivités, BIONIFIGS publie un entretien avec un artiste qui a marqué la franchise.
Pour la première fois pour un média en français, nous avons le plaisir de vous révéler en ce 10 août 2020, un entretien exclusif avec Pop Mhan ! L’artiste américain né en Thaïlande a travaillé sur des licences populaires telles que Ghost Rider, Tomb Raider, World of Warcraft ou encore Batgirl et The Flash, tant pour Marvel que DC et d’autres maisons déditions telles que Top Cow et Wildstorm. Il a illustré de 2009 à 2010 la double série BIONICLE : Glatorian et BIONICLE : Journey’s End également éditée par DC, concluant la saga épique produite par le groupe LEGO pendant une décennie. Bionifigs.fr a eu le plaisir de lui poser quelques questions, dix ans après sa contribution à cet univers.
Cet entretien est disponible sous forme de vidéo sur la chaîne YouTube de BIONIFIGS, dont nous reproduisons ici le verbatim en intégralité, pour ceux qui aiment aussi lire.
BIONIFIGS.fr — Tout d’abord, comment va Pop Mhan, dix ans après les comics BIONICLE : Glatorian et Journey’s End (désolé pour la claque mec, ça fait vraiment 10 ans) et sur quels projets travailles-tu en 2020 ?
Pop Mhan — Ça fait bien 10 ans depuis BIONICLE Glatorian et Journey’s End et j’ai passé ces années à dessiner encore plus de comics, ainsi qu’écrire et travailler sur mes propres projets. Pour 2020, je prépare le lancement d’une nouvelle campagne pour financer des cartes à collectionner que j’ai créées appelées RumboBots ! C’est drôle car RumboBots a vu le jour parce que je bossais sur un système de bataille pour LEGO et BIONICLE, un système où tu peux construire tes propres robots et les faire combattre. Cela a évolué en jeu de cartes mais qui peuvent toujours utiliser des morceaux et des pièces et bien que j’ai créé ma propre histoire et univers ainsi que le visuel pour le jeu et les jouets, je penserais toujours avec tendresse à la façon dont BIONICLE a contribué à inspirer ce jeu !
BFIG — Ton travail sur BIONICLE t’a-t-il apporté des choses, en termes de techniques comme d’opportunités, notamment sur ces projets ultérieurs ?
Pop — Le travail que j’ai fait sur BIONICLE m’a permis d’être beaucoup plus à l’aise pour dessiner des robots ainsi que des pièces mécaniques. Dans le passé j’évitais parfois les projets avec beaucoup de technologie dedans parce que je n’aimais pas trop dessiner ça (maintenant que je suis plus à l’aise à dessiner des robots je n’ai pas hésité pour les concepts de RumboBots). Mon travail sur les pièces BIONICLE et leur concept élaboré m’a beaucoup aidé à créer le jeu et les mécaniques de jeu qui utilisent des pièces. J’ai eu beaucoup de chance de travailler sur BIONICLE à l’époque, ça m’a beaucoup aidé dans mon propre travail.
BFIG — Comment est-on embauché pour travailler sur BIONICLE ? Peux-tu nous raconter comment s’est faite ta rencontre avec la franchise ?
Pop — J’avais la réputation d’être fiable et facile à vivre dans mon travail au service des licences de DC Comics. Je suis capable de collaborer efficacement avec des sociétés tiers, de prendre des décisions et d’offrir des propositions créatives de manière bienveillante. Mon travail n’était pas trop horrible donc c’est un plus ! Quand la proposition pour BIONICLE s’est présentée j’ai été invité à faire un essai et LEGO a suffisamment apprécié mon travail pour m’offrir la place. Je dois admettre que je ne connaissais pas grand chose de BIONICLE avant d’accepter l’emploi. Une des parties les plus rudes des essais était de dessiner les personnages avec précision, c’était plutôt difficile.
BFIG — Qu’est-ce que ça fait d’être le dessinateur qui a conclu et mis en image le climax d’une saga ayant fait rêver des millions d’enfants pendant 10 ans ? Avais-tu une pression supplémentaire du fait de boucler une grande histoire démarrée en 2001 ?
Pop — Avec du recul, je suis assez triste qu’une licence cool comme BIONICLE se soit achevée. J’ai été prévenu de la fin de BIONICLE et du lancement de Hero Factory 4 à 6 mois avant la fin de la gamme BIONICLE. À ce moment là DC Comics se préparait pour savoir s’ils allaient s’occuper des comics Hero Factory pour LEGO et qui allait les dessiner si le projet démarrait. On m’a demandé de dessiner un échantillon mais je ne suis pas sûr de ce qu’il s’est passé après ça, car juste après le projet BIONICLE j’ai commencé à travailler sur World of Warcraft et j’ai perdu de vue les licences LEGO.
Pour ce qui est de la pression, je pense que c’était tellement mouvementé à l’époque pour finir le projet et je participais à l’essai pour Hero Factory ainsi que Warcraft et d’autres projets encore, je n’ai pas eu trop le temps de m’inquiéter ou de ressentir la pression de la fin de BIONICLE.
BFIG — Est-ce que tu connaissais déjà le lore derrière la franchise, avant de travailler sur BIONICLE et quel est ton rapport avec cet univers ?
Pop — Eh bien, comme je le disais plus tôt, je n’étais pas familier avec BIONICLE avant de travailler sur le projet. Après avoir bossé dessus, j’adore l’univers BIONICLE et toutes les différentes pièces ainsi que l’ingénierie mécanique élaborée qui est mise dans toutes ces éléments. Et grâce à tout ça j’ai vraiment pris goût aux pièces élaborées, complexes et fantaisistes après coup. C’est mon ressenti. Cela dit, je dois avouer que le lore est assez phénoménal. Je veux dire, il y a tellement de contenu… oui c’était vraiment une licence très très cool.
BFIG — Comment as-tu réagi quand les gars de LEGO t’ont dit : Hey Pop, tu peux nous dessiner des robots de la taille d’une planète et ses habitants à côté, pour représenter Mata Nui et Makuta ? Tu t’es dit « C’est simple comme Galactus », ou « Ça va être super dur… » ? Comment gère-t-on ces problèmes d’échelles dans une bande dessinée ?
Pop — C’était difficile, c’était vraiment très difficile. Quand LEGO m’a dit “Hey on veut que tu dessines deux héros de la taille d’une planète” ma première pensée à été comment est ce que je pourrais bien dessiner ça et le faire rentrer sur une page de comics, les gens vont être tellement petits… Mais c’est la partie de la bande dessinée où tu es capable de plier et distordre un peu les choses et j’ai dû m’y résoudre parce que si j’avais sincèrement dû dessiner une planète et des villageois et tout… les villageois ne seraient que des grains de poussières et une bonne partie du dessin c’était de dessiner des grains de poussières. Mais tu sais la taille des planètes est relative, tu peux avoir une planète immense comme Saturne aussi bien qu’une petite planète comme Pluton, pas vrai ?
Donc il y a beaucoup de variété dans tout ça, alors même si les héros font la taille d’une planète, on pourrait dire qu’ils sont plus de taille Pluton que Saturne *rires*. Mais oui c’était définitivement un défi et ça m’a donné quelques migraines pendant un moment pour trouver comment j’allais dessiner tout ça.
BFIG — Il y a eu une légère controverse à l’époque chez fans, sur la nature du corps céleste qui heurte la tête du robot de Makuta, certains médias parlant d’un choc direct avec la planète Aqua Magna, alors qu’il ne s’agit vraisemblablement que d’un fragment de la planète dans la bande dessinée. As-tu une interprétation sur cette question ?
Pop — Je n’en ai pas et je vais dire que je vais éviter de donner mon avis car Greg, Greg Farshtey, est l’auteur de la BD donc bien évidemment son interprétation va avoir beaucoup plus de poids que la mienne. J’ai simplement suivi ce que Greg avait écrit et ce qu’il m’a dit d’écrire ou de dessiner, donc je vais dire que je n’ai pas d’avis à donner là dessus.
BFIG — Comment était la relation avec les créateurs de BIONICLE ? Tu travaillais directement avec l’auteur Greg Farshtey ou avec une équipe plus vaste ?
Pop — J’ai principalement travaillé avec l’éditeur et les assistants éditeurs sur le livre et je voyais des emails de LEGO ou Greg de temps en temps. Bien que l’on m’avait donné l’adresse mail de Greg dans le cas où j’aurais besoin d’approfondir la discussion avec lui, on n’est jamais arrivé au point ou j’en ai eu besoin donc on n’était pas si proche qu’on aurait pu l’être, je suppose. Mais ce n’est pas grave car j’ai travaillé avec une équipe super chez DC Comics, je n’ai jamais été perdu ou en manque de direction ou d’avis. Bien que j’adorerais traîner avec Greg et prendre une bière à l’occasion *rires*. Ce serait génial.
BFIG — BIONICLE étant à la base une gamme de jouets à succès pour des enfants et adolescents, avais-tu des contraintes artistiques par rapport à ce jeune public, dans ta manière de dessiner et de donner vie à cet univers ?
Pop — Une des choses à savoir quand on est un artiste qui travaille sur une propriété intellectuelle comme moi c’est que l’on doit toujours être très attentif à ce qu’on dessine ; des choses qui pourraient être sujet à controverse ou inapproprié en fonction des différents âges. Je ne peux que parler pour moi mais je suis toujours très soucieux de ce qui est ou n’est pas approprié. Je suis très consciencieux bien que pour les licences LEGO, comme nous dessinions des blocs et des trucs du genre, la question se posait moins. Les choses comme la violence on devait la réduire un petit peu, bien évidemment on ne dessinait pas des BIONICLE se faisant écraser de façon violente ou graphique. Mais je suppose que comparé à d’autres choses que j’ai du dessiner auparavant il y a des choses pour lesquelles il faut faire attention.
BFIG — Les fans de BIONICLE ayant désormais entre 20 et 30 ans ou plus, et étant tournés vers des contenus un peu plus sombres et mâtures, dessinerais-tu avec une approche différente si tu devais retravailler sur cette franchise aujourd’hui ?
Pop — Non, parce qu’encore une fois tu dessines pour LEGO et quand je dessinais pour LEGO je devais toujours m’inquiéter de la contrainte d’âge car, dans un sens, je représente la marque quand je travaille sur une licence qui leur appartient et la marque LEGO et très orientée vers une audience assez jeune. Si c’était mon propre projet je pourrais être beaucoup plus sombre et violent avec bien sûr, et c’est ce que je fais.
BFIG — As-tu été influencé par le travail des illustrateurs qui t’ont précédé dans l’univers BIONICLE (Carlos D’Anda, Randy Elliot, Stuart Sayger, Leigh Gallagher…) ?
Pop — Oui oui ! Quand on m’a demandé d’essayer pour BIONICLE une des raisons était que LEGO avait beaucoup aimé le travail de Leigh Gallagher et je pense que ma capacité à faire le caméléon et reproduire le travail d’autres gens m’a beaucoup aidé à faire la transition. Parce qu’il faut savoir que quand une licence passe d’un artiste à un autre, parfois ce n’est pas judicieux de partir dans une direction complètement différente de ce dont les gens ont l’habitude. Ce que j’essaye de faire quand je rejoins un projet où un artiste a bossé dessus avant moi, j’essaie d’avoir un visuel en tête de ce à quoi va ressembler mon travail à la fin. Mais avant d’en arriver là, j’adapte mon style pour refléter ce qui a précédé et, graduellement, au fil du temps je pousse vers mon propre style. Donc oui, j’ai eu beaucoup d’influence.
BFIG — Y a-t-il une période, un arc de la saga BIONICLE de 2001 à 2010 sur lequel tu aurais aimé travailler en dehors de la série Glatorian ?
Pop — Je dirais que les arcs sur lequel a bossé Stuart Stayger. J’ai oublié leurs noms exact [BIONICLE : Ignition édités par DC en 2006-2007] mais il y avait beaucoup d’eau et j’adore dessiner l’eau et l’obscurité des scènes sous marine et ce genre de truc. J’adorerais pouvoir faire ça.
BFIG — Tu as lancé ta chaîne YouTube il y a 4 mois avec la révélation d’un sublime dessin de Mata Nui quand il a pris l’apparence d’un Glatorian, suivie d’une vingtaine de vidéo depuis. Peux-tu présenter le concept de ta chaîne ?
Pop — Bien sûr ! Le concept de la chaîne ‘Pop Mhan Comix’ c’est de :
1 : Montrer aux gens ce que je dessine et qu’ils me suivent pour voir comment cela peut progresser du début à la fin.
2: C’est aussi pour commencer à faire des tutoriels pour qu’ils puissent aussi dessiner ou voir comment moi je dessine les choses, et si il y a des petits conseils et astuces que je peux leur montrer c’est super ! Et j’espère que la chaîne deviendra de plus en plus cool et grande pour aussi promouvoir RumboBots et d’autres projets personnels que j’ai, en temps voulu.
BFIG — Tu dis dans ta vidéo que Mata Nui est ton « super héros » préféré après Superman. Est-ce juste parce qu’il a une cape ou qu’il y a moins de détails à dessiner ?
Pop — *Rires* Je dirais que c’est parce qu’il a moins de détails à dessiner ! Pendant que je dessinais les BIONICLE une des choses les plus dures c’était la quantité de détails, c’était dingue, j’ai passé énormément de temps à dessiner tout ces petits cercles.
BFIG — Merci infiniment pour tes réponses Pop et surtout pour la qualité de ton art ! On te voit en France pour une Convention un de ces jours ?
Pop — Avec un peu de chance dès que ce Covid-truc est passé et que je suis capable de rentrer en contact avec qui que ce soit en France et que je suis capable d’y aller ! J’adorerais tous vous rencontrer et vous saluer. J’adorerais parler avec le plus de fans de BIONICLE !
Merci beaucoup pour vos questions. J’ai passé un super moment à me rappeler de BIONICLE et un encore meilleur moment à les dessiner, c’était il y a genre… 10 ans, ouf, ça fait longtemps ! Mais c’était cool de pouvoir reparler de tout ça et de revisiter ces idées, j’espère vous voir tous très bientôt. Si ça vous plaît, abonnez-vous à ma chaîne YouTube ‘Pop Mhan Comix’ (avec un X) et assurez vous de récupérer des RumboBots quand cela sortira. À très bientôt.
Entretien réalisé en anglais le 6 août 2020 pour Bionifigs.fr.
Questions de Exo-6, traduction et montage par Sonic et Toa~Katsuhono.
Effectivement c’est vraiment wholesome (j’ai pas le bon mot en français) de voir comment il travaillait, surtout pour moi qui dessine. Après, déçu que Greg n’était qu’à distance pour la création des comics, mais du coup ça explique pourquoi souvent le mood des comics est totalement à côté de celui des serials (notamment au niveau de la maturité). C’est à se demander comment Greg a réussi à mettre autant de violence dans les bouquins en outrepassant ce que Lego interdisait. Au faite, content d’avoir vu l’interview de cet artiste en particulier, parce que bien qu’il dit être un caméléon, les… Lire la suite »
Merci à tous les trois pour l’entrevue et la vidéo. C’est super de voir un peu l’envers du décors des comics.